samedi 23 février 2008

Dites-moi que je suis de mauvaise foi si vous voulez mais lorsque je lis les paroles de la magnifique chanson de Desjardins, "Tu m'aimes tu?", http://www.paroles.net/chanson/22981.1 et que je vois cette belle langue parlée écrite comme elle est dite, je me demande si tous ceux qui encensent cette chanson sont les mêmes qui passent leur temps à chialer contre les profs et les jeunes qui ne savent plus, disent-ils, écrire ni
parler. Deux poids, deux mesures? Alors dites-moi, Richard Desjardins massacre-t-il la belle langue de Molière ou est-il de cette race de québécois qui ont bâti ce pays? Faudrait peut-être se brancher un m'ment 'né. Tu m'comprends-tu?

10 commentaires:

Renart Léveillé a dit…

Le joual est notre langue du coeur, le français celle de notre tête.

Je crois qu'il faut réapprendre à parler (et à écrire) un peu plus avec notre tête.

Hortensia a dit…

Vous n'êtes pas de mauvaise foi, la question est drôlement intéressante.
Pour moi, la langue est un outil; une fois qu'on le maîtrise, on peut en faire ce que l'on veut.
Desjardins possède la langue.
Il sait très bien que l'on ne doit pas redoubler le "tu". Tout comme il ne fait pas d'erreurs quand il utilise le joual dans ses chansons. Il utilise simplement sa licence poétique pour jouer sur différents niveaux de langue et arriver à recréer la couleur de notre parler, en lui intégrant également une langue beaucoup plus littéraire qui lui est propre. Son génie se trouve justement dans le dosage des deux.

Anonyme a dit…

Oui, ce sont les mêmes, j'en suis.

Il n'y a pas contradiction. Sans aller jusqu'à considérer Desjardins comme un grand bâtisseur, j'aime beaucoup ce qu'il fait.

Je serais toutefois incappable d'établir un lien entre les textes d'un compositeur qui par ailleurs maîtrise bien le français et le désintéressement que tant de gens éprouvent face à leur langue.

Autrement, devant l'art moderne nous pourrions dire: aucun besoin de techniques pour produire ces merveilles! Ce serait absurde.

Tout est permis avec les mots. Pour créer et jongler artistiquement avec ces derniers, de façon durable, il faut justement très bien les connaître les mots, les expressions, les gens.

Accent Grave

P.S.

Vous établissez souvent un lien entre les profs et la situation du français, pourquoi? Les défenseurs de la langue vous perçcoivent comme des alliés, pas le contraire.

Le professeur masqué a dit…

Desjardins maîtrise et le français et le joual. Le malheur de certains est de n'avoir qu'une langue.

Je sais sacrer, jaser intellecto, parler de la dernière game du Canadien avec les chums dans le vestiaire, piger le verlan et ainsi de de suite.

Desjardins, plus que moi encore, j'en suis convaincu. Mais pas nécessairement certains petits jeunes dans mes classes. Quand ils en sauront autant que Desjardins (dans la tête et dans le coeur), ils pourront bien jouer avec une langue qu'ils maîtrisent.

Un autre exemple pour illustrer ce débat est Loco Locass. C'est un choc pour mes jeunes de voir qu'ils savent parler et écrire plus que convenablement. Pourquoi l'un exclurait-il l'autre?

bibconfidences a dit…

Comme ça Accent grave vous êtes de ceux qui aiment chialer contre les profs?
Vous n'en avez pas l'air pourtant.
Vous me demandez pourquoi j'établis souvent un lien entre les profs et la situation du français? Parce que cette dernière année les profs ont été jugés très sévèrement, parce que c'est ma réalité.
Parce que j'essais d'enseigner le français à des enfants qui ne connaissent pas cette langue. Ils parlent la langue qu'ils utilisent à la maison et entre eux et c'est loin d'être lisible. J'ai corrigé des productions écrites ce matin, j'en aurais pleuré. Je ne sais pas comment je vais faire pour arriver à améliorer leur français, ils peinent à l'écrire et ne l'utilisent pas. J'aurais besoin du double de temps dont je dispose présentement et je ne l'ai pas.
J'aurais besoin de faire doubler la moitié de mes élèves pour les mettre "à niveau" avant leur sixième année et je ne pourrai pas. J'aurais besoin d'apprendre aux parents de la moitié d'entre eux à parler et à lire autre chose que le journal de Montréal et naturellement, cela n'est pas de mon ressort. Les enfants ont aujourd'hui une vie tellement remplie en dehors de l'école, contrairement à tous ces "ma grand-mère écrivait un français sans faute et n'avait que sa cinquième année B " que la place de l'école, de l'éducation, occupe un rang assez loin de la tête dans leurs préoccupations.
Les parents nous envoient des mots quotidiennement pour nous dire qu'un devoir n'a pas été fait parce qu'un cours de théâtre, parce qu'une rencontre entre cousins, parce qu'une soirée au restaurant, parce qu'un voyage de ski, parce qu'un tournoi de hockey, a empêché l'enfant de le faire.
Je pars de tellement loin en voulant enseigner le français que je n'ai surtout pas besoin de gens comme tous ces snobinards de politiciens et de journalistes qui vont faire des dictées à tout le monde en parle et qui critiquent ces jeunes profs qui sortent d'un système qu'ils ont eux-mêmes mis en place. Alors justement, Prof masqué, c'est ce que je dis, l'un n'exclut pas l'autre mais pour certains l'apprentissage du français est plus ardue que pour les autres. Je maintiens que ces derniers mois on a passé plus de temps à se pointer du doigt plutôt que de trouver des moyens efficaces pour que les profs puissent enseigner efficacement le français. Moi j'ai trouvé un moyen, je me suis acheté un cass de poils et je déménage en Finlande. J'm'en vas cirer mes skis. Prof masqué, paraît qu'ils ont aussi des bibliothèques vitrées là-bas, Ikéa est juste à coté. Ciao!

Une Peste! a dit…

Je seconde.
Desjardins, même s'il sait parler un français correct comme l'affirme Prof Masqué, ne le massacre pas moins dans ses chansons.
Certains aiment le genre, je n'en suis pas.

Aussi, si je puis mentionner à M'sieur l'Prof Masqué en relâche .. Les gars de Loco Locass, J'ESPÈRE qu'ils ont un minimum de vocabulaire. Y en a pas un en bas de 35 ans, certain. Je vois difficilement le mérite d'avoir un peu de vocabulaire lorsque les printemps se sont transformés en fin aout.

Comme, genre, style.

;-D

Anonyme a dit…

Moi, chialer contre les profs? Je chiale contre la pauvreté de notre langue écrite et parlée, pas contre les profs. Enfin si j'avais à le faire je le ferais mais ce n'est pas le cas. Je ne vois d'ailleurs pas comment on pourrait s'attaquer à l'ensemble des profs? Il s'agit d'individus.

J'écrivais justement que je considère les profs comme des alliés.

J'entends rarement les gens parler contre les profs. Vous recevez certainement des mots des parents mais alors là, oui, y'a de quoi à dire contre les parents, y'a de quoi chialer. Alors les réprobations de certains parents, ça vaut pas cher.

Je pense Bibco que vous êtes un prof formidable et mes paroles ne sont pas mielleuses (un ou deux l?). Vous prenez non seulement votre job à coeur, ce qui se passe dans l'ensemble de la société vous touche en tant que prof.

Quand la qualité de la langue est attaquée vous vous sentez attaquée car vous l'aimez cette langue et faites tout pour transmettre cet amour aux jeunes. Je n'ose pas imaginer quelle serait la situation sans des gens comme vous!

Vous énumérez quelques raisons pouvant expliquer en partie le problème. Moi je pense que c'est plus profond, que c'est d'abord une question de fierté, fierté qui est anémique. Il faut d'abord que l'ensemble de la société décide que c'est important de savoir écrire, de savoir parler au moins une langue. À partir de là, on pourra s'attaquer aux autres problèmes sinon, comment s'en sortir?

Cette année, deux employés ont demandé congé pour participer à des tournois de hockey.

Un vendredi? que j'ai dit. Ton fils a des cours non?

Il manquera l'école, le tournoi est prévu comme ça!

On organise donc des tournois de hockey en semaine? Quand les jeunes doivent être à l'école?

Je dois vivre dans un autre monde, cela me paraît impensable!

Accent Grave

Anonyme a dit…

La poésie peut permettre pas mal de détours. Ce qui inquiète présentement, c'est le choix délibéré de commencer par les détours en oubliant la destination et la beauté du trajet réel, de départ. Pour arriver aussi bien et avec autant de maîtrise à un texte comme celui de Desjardins, j'aime à penser qu'il est d'abord et ultimement nécessaire d'avoir su maîtriser le français dans ce qu'il a de bête à dompter pour ceux qui en font l'apprentissage.

Alors non, je n'y vois pas, non plus, de contradiction.

bibconfidences a dit…

Je trouve que ce billet a suscité d'intéressantes réflexions sur le sujet.
Naturellement je continue à penser que c'est une situation compliquée mais je continue le combat quand même!

Zoreilles a dit…

Vous parlez de Desjardins, le sujet me touche, vous l'aurez deviné. S'il peut se permettre d'écrire Tu m'aimes tu, c'est parce qu'il maîtrise la langue française et ses subtilités. J'en veux pour preuve plusieurs textes de ses chansons, particulièrement dans l'album Les derniers humains, de même que dans tout ce qu'il écrit, c'est reconnu dans la francophonie. Je crois qu'on s'entend tous là-dessus.

Maintenant, la langue parlée et écrite au Québec... Tu crois, Bibco, qu'on s'en prend plus aux enseignants qu'à n'importe qui d'autres? Je crois plutôt, comme le disait Accent Grave, qu'on vous considère comme des alliés.

Je m'en prends plutôt, quand il m'arrive de bougonner, aux gens des médias et pire encore, à ceux qui les écoutent sans exiger un minimum de qualité. Est-ce que les radios poubelles n'ont pas les plus grosses cotes d'écoute? C'est un constat bien plus décourageant que tout le reste.

Dans notre société, on chiale contre tout, y compris les enseignants, ça nous aide à nous déresponsabiser. Une langue qu'on apprend à aimer et à maîtriser, ça commence à la maison. L'école n'est pas responsable de tout.

Et pour boucler la boucle sur une note anecdotique mais tout à fait véridique, Richard Desjardins, avant d'être connu et reconnu, a déjà été... enseignant, chez les Inuits. C'est là qu'il a été inspiré pour écrire Nataq, une merveille de poésie et d'anthropologie.