mardi 8 mai 2007

Je préfère l'écriture au téléphone.
Non pas que je ne sache pas m'exprimer à l'oral aussi convenablement qu'à l'écrit mais l'écriture me convient mieux.
D'abord je suis un peu timide. Le téléphone est intrusif et impérieux. Il ne permet pas de demander si l'on dérange avant d'appeler, il dérange et ensuite on s'informe de la disponibilité de l'interlocuteur.
Il ne tient aucun compte du désir de silence de la personne appelée ni de son état d'âme.
Il sonne toujours pareil, d'égale façon, et n'est aucunement sensible aux soupirs excédés de celui qui l'entends.
Imperturbable, il fait résonner son clairon jusqu'à ce que, malgré notre peu d'envie de communiquer, nous n'en puissions plus de ce monocorde dring dring et répondions, peu disposé à entendre la suite.
Chasseur tenace, il a évolué jusqu'à nous débusquer ou que nous soyions.
Il est vrai que nous lui donnons ce droit dès lors que nous nous l'approprions.
On dit que les ravisseurs parviennent parfois à force de promiscuité et de temps à développer une sorte d'alliance avec leurs victimes. Il me semble parfois que le phénomène de Stockholm, comme on appelle ce revirement de situation, s'applique très bien à cette relation presqu'intime que les gens entretiennent avec leur cellulaire.
Pour ma part je préfère l'écriture.
L'écriture est polie, discrète, et tellement plus loquace.
Elle vous arrive sous forme d'une lettre silencieuse ou d'un courriel qui demeure invisible tant que nous ne décidions d'y jeter un coup d'oeil.
Sans tambour ni trompette, la missive se glisse dans nos vies, patiente et prenant bien peu de place, attendant que nous soyions prêts à l'accueillir.
La chose écrite, pour peu que l'on s'en donne la peine, est tellement plus gentille que cette voix désincarnée qui nous siffle aux oreilles.
La mauvaise nouvelle qui nous surprend au téléphone nous assomme sans prévenir, alors qu'on peut se préparer à la vue de l'enveloppe, généralement identifiée comme étant porteuse de désagréments. Le risque de mourir d'une arrêt du coeur s'en trouve ainsi diminué de moitié!
Et l'amour....La lettre d'amour a acquis ses lettres de noblesse et l'amoureux n'a pas de meilleur allié pour avouer ses sentiments à l'être cher. Rien de tel n'aura le même impact au téléphone. Les écrits restent les paroles s'envolent.
Lorsque je pense à cette génération montante qui ne sait pas écrire, qui regarde un crayon comme on regarde une cuillère de sirop pour la toux, je m'inquiète.
Que sera leur vie, quels seront leurs rapports avec leurs pairs sans l'écrit?
La vitesse qui mène le monde actuel ne leur laissera pas la chance de pratiquer la relation épistolaire. Tout sera dit, trop vite et trop court et c'est ainsi que le temps passera toujours plus vite.
Certains sentiments n'oseront jamais être confiés à un récepteur téléphonique, certaines pensées n'auront jamais le temps d'être exprimées ou d'être approfondies. Il manquera certainement à ces grands parleurs la langueur des mots.

6 commentaires:

Zoreilles a dit…

Peut-être suis-je trop optimiste mais j'ai l'impression que l'écrit restera toujours, même chez nos jeunes, un moyen unique, authentique et privilégié pour la communication.

En effet, quand on écrit, on n'a pas de choix de plonger au plus profond de soi, là où réside l'essence, la vérité.

Il y a beaucoup de jeunes autour de moi. Ils et elles écrivent beaucoup. Bon d'accord, ils le font à leur manière, sans trop de rigueur mais avec beaucoup de liberté. Je dis souvent à la blague qu'ils n'ont malheureusement pas « la science du doute » alors ils font plein de fautes mais il ne faut pas les gronder pour ça, juste leur donner le goût de bien maîtriser les outils formidables que sont les mots.

Notre langue française recèle une telle richesse, une grande variété de nuances, il faut l'adapter aux nouvelles technologies, c'est tout.

bibconfidences a dit…

Les nouvelles technologies sont celles qui encore une fois permettent d'aller plus vite. Tant que la vitesse règnera sur nos vies les jeunes couperont au plus court. Les mots s'amputent ou se greffent à des raccourcis, les adjectifs s'universalisent, cool devient le représentant d'une multitude d'adjectifs.
Nous enseignons un français qui n'est plus utilisé par ces jeunes. Si l'on accepte ce nouveau genre cessons alors d'être hypocrites et contentons nous d'évaluer leur imagination.
Mais cette richesse dont vous parlez je ne la retrouve pas dans les écrits de mes élèves de cinquième année. Ni dans les classes de mes collègues. Bien sûr, comme dans toutes bonnes règles, il y a les exceptions, mais eux aussi ne font que confirmer la règle d'une bien pauvre moyenne.
Comme adulte nous avons la charge et la responsabilité de ces jeunes cerveaux, il ne faut pas abdiquer, il faut continuer d'enrichir leurs connaissances de la langue en parlant avec eux, en leur donnant le goût des mots.

Medic a dit…

sache que mon téléphone cellulaire je ne le porte pas sur moi par choix mais par dépit ....... c'est vrai que les mots ont perdu de leur noblesse, un des grands responsable selon moi de cette perte est tout le phénomène de chat où les jeunes écrivent mais en mots abrégés pour aller plus vite, ils écrivent au son et ils continuent de transposer ces mots dans la vie du quotidien

Anonyme a dit…

Il existera toujours une façon de communiquer par l’écrit. Le moyen m’apparaît secondaire. Pas certain que les jeunes écrivent moins bien que nous à la même époque. Je croyais faire partie de la pire génération en ce domaine. Mes enfants écrivent bien mieux que je ne le faisais à leur âge. Précisons qu’ils avaient des parents pour qui l’instruction comptait.

Reconnaissons aussi que tout le monde n’est pas à l’aise avec les lettres. Autrefois, ceux qui avaient la chance d’obtenir une instruction en recevait une de qualité. Tenter d’instruire tout le monde c’est une autre affaire.

Une chose est sûre, l’écrit constitue le moyen de communication que je privilégie. Le courriel remplace avantageusement le téléphone pour toutes les excellentes raisons que vous énumérez. Le téléphone nous rend esclave, je l’utilise rarement, mais il a son utilité.

Surtout, certaines choses ne peuvent être communiquées autrement que par l’écrit. L’écrit permet la relecture, l’analyse, la réflexion.

Bravo pour ce texte, il est intelligent, il incite à la discussion.

Accent Grave

bibconfidences a dit…

Et voilà, je ne sais pas comment je fais mais je reviens toujours à l'éducation ou à l'environnement...j'essais pourtant de changer de sujet...À mon âge il semble qu'on ne se refait pas. J'ai l'air bien pessimiste face aux jeunes... Peut-être est-ce la fatigue de fin d'année, le découragement face à la tâche, à tout ce que je n'ai pas pu leur donner comme apprentissage...ou tout simplement à ces productions écrites si difficiles à lire que je dois y mettre deux fois le temps...J'aurais voulu faire plus pour eux mais justement, du temps, j'en ai manqué...et comme vous le dites accent grave, l'école n'est qu'un lieu de passage, la maison est le complément essentiel à toute forme d'éducation.
Monsieur du Tartan, je porte aussi le cellulaire, c'est le numéro d'urgence que je donne à l'école de mes enfants.

Anonyme a dit…

J'ai une estime sans borne pour la profession que vous exercez. L'instruction est la base de toute société. Pourtant, votre travail n'est pas reconnu à sa justre valeur.

Vous transmettez beaucoup plus de choses que vous ne le croyez. Ça c'est certain. C'est ce que je voulais dire.

Pour moi qui bosse dans le domaine industriel, je revois vos étudiants qui sont devenus ingénieurs, dessinateurs, informaticiens et assembleurs. Plusieurs écrivent mal ou peu mais plusieurs aussi se débrouillent extraordinairement bien. Nous devons nous améliorer mais dans l'ensemble, la situation est meilleure que celle d'autrefois, c'est le fruit de vos efforts.

Comment diable pourriez-vous juger de la chose puisqu'à chaque jour, vous avez devant vous tant de jeunes qui ne se croient pas destinés à écrire ou lire. Nombreux sont ceux dont les parents ne considèrent pas l'instruction comme primordiale. Ces parents souhaiteraient qu'il y ait moins de devoirs, que l'école instruise mais éduque aussi leurs progénitures. Et par dessus le marché on ne vous donne ni la lattitude, les moyens ou l'autorité pour ce faire.

À l'impossible, nul n'est tenu. Vous placez la barre haute. Vous avez raison de croire que la situation pourrait être meilleure mais sachez que votre travail n'est pas vain, au contraire.

Accent Grave