dimanche 4 mai 2008

Cadet Roussel a deux maisons

J'ai deux maisons. Une qui est mon logis, qui est le coeur de ma vie de famille, qui contient tous mes trésors et ma poussière. L'autre c'est celle de Monsieur. Le mien de Monsieur. Elle contient aussi mon coeur puisque je le lui ai donné et qu'il l'habite, elle fait office de foyer principal puisqu'il réchauffe mes sens et elle est finalement ce qu'on appelle un baise en ville puisqu'elle est située dans la grande ville.
Je fais régulièrement la navette entre là et ici.
Je fais ma valise comme d'autres font leur lessive ; une à deux fois semaine. Parfois trois, quand le linge doit se laver en famille, car il est aussi de ma famille, enfin, si l'on accepte que l'on puisse l'incorporer dans la séculaire institution qu'est la famille sans même lui apposer de sceau officiel. Il lui arrive bien entendu de laisser sa maison centenaire et de traverser le pont. Son sacrifice est la hauteur de celui que fit César en traversant le Rubicond. Il n'aime pas la banlieue, mais il m'aime moi. Merveilleuse reddition non?
Nous passons ainsi notre vie à partir et revenir. À décoller à atterrir, à reculons ou de bon coeur, mais toujours, nous le faisons. Autrement il n'y aurait pas de nous.
Bientôt il faudra songer à réunir les coeurs pour de bon car de ces déplacements, nous n'en pouvons plus.
Il faut l'avoir vécu pour savoir ce que ça peut être de ne jamais déposer ses pénates sur le même tarmac quand on veut rentrer chez soi. On dit que l'amour est plus fort que tout mais quand c'est sa vie qu'on a l'impression de laisser derrière à chaque fois, on n'en est plus si sûr de cette force immuable.
L'être humain a des faiblesses inavouables. L'une d'elles est ce besoin d'établir son territoire et d'y entasser ses richesses pour se reposer au beau milieu de son butin durement acquis.
Lorsqu'on doit quitter son territoire et ses biens au gré de nos désirs amoureux on ne sait plus très bien si on préfère aimer ou rester.
Ça fait trois ans que ça dure et croyez-moi, je suis fatiguée de ce va-et-vient incessant.
J'oublie toujours quelque chose ou alors je paye un surplus de bagages, tribut prélevé à même mes muscles!
Parfois l'un de nous deux, chez l'autre, erre comme une âme en peine. Il y aurait tant à faire en la demeure, la nôtre respective bien entendu...et nous sommes là, à roucouler au lieu de ménager chacun chez soi...Le roucoulement devient alors grincement et les baisers se perdent dans un au revoir de la main agitée manu militari.
J'aimerais me retrouver chez moi plus souvent mais si c'est moi qui y suis, c'est lui qui y perd et vice versa.
Heureusement nous sommes des adultes qui avons le pouvoir de décider de notre vie et bientôt les nôtres, je vous l'ai dit, se trouveront réunies.
Mais, et c'est ici à la toute fin le but de mon propos, qu'en est-il de ces enfants à deux maisons?
Qu'en est-il de ces petits qui trimbalent un tout petit bout de leur vie entre la maison de papa et celle de maman? Leur maison à eux, elle est où?
Leurs trésors sur lesquels leurs yeux de bambins aiment s'attarder le soir avant le dodo se retrouvent-ils là où ils sont eux?
Il est où leur coeur? Dans quel foyer?
Et s'ils oublient leur peluche préférée ou leur devoir à remettre chez maman alors que le lendemain ils se retrouvent chez papa, qui accourera en vitesse sans reproche pour leur remettre avec un câlin?
Vous parents qui généreusement fournissez couverts et couvertures à votre progéniture en double, comprenez-vous que parfois ils sont las de ces déplacements? Soyez à l'écoute et ne grondez pas les gamins qui oublient leurs livres de classe chez vous alors qu'ils en besoin chez l'autre. Et, a fortiori, cela vaut aussi pour leur professeur, parfois si prompt à sanctionner l'oubli...
Ils n'ont pas choisi cette vie mais vous pouvez choisir de la leur rendre plus facile.
Bon déménagement de fin de semaine.

7 commentaires:

Le Voyou du Bayou a dit…

Je regarde mon filleul et il a pas l'air d'avoir de problème avec l'idée de se trimbaler d'une maison à l'autre. Je pense que c'est vraiment l'attitude des parents qui fait toute la différence. Un monoparental désorganisé était sans doute un parent en couple désorganisé. C'est sûr qu'en couple, on peut se relayer... Mais est-ce que c'est mieux deux parents qui ne s'aiment pas et qui se relayent?

bibconfidences a dit…

Non voyou, je ne parle ni pour la séparation ni contre, je parle de l'attitude des parents dont les enfants se trimbalent d'une maison à l'autre. Il faut être indulgent face aux oublis et aux nostalgies des enfants qui sont dans cette situation.

Zoreilles a dit…

J'ai aimé lire ce billet, Bibco. Je n'imaginais pas tout ce que ça représentait, ni pour les parents ni pour les enfants.

Anonyme a dit…

Et oui, il faut penser aux enfants, même plus vieux.

La maison est non seulement un repère physique, c'est là où ils retrouvent les leurs. Une bouvelle maison avec les mêmes gens? c'est bon.

Une nouvelle maison avec de nouvelles personnes? C'est autre chose, parfois l'enfer. La même maison avec de nouvelles personnes? Ce n'est plus leur maison.

C'est ce que j'ai constaté. Ce que vivent les adultes là-dedans? Un rêve, une nouvelle réalité ou un cauchemar. Ça dépend.

Accent Grave

bibconfidences a dit…

Eh oui, c'est pour ça que j'aurai attendu 5 ans, (il m'en reste deux) pour emménager tout à fait avec Monsieur.
L'entente est déjà bonne, ce n'en sera que mieux dans deux ans. D'ici là, j'aurai une place chez lui, place qui s'agrandira au fil des jours et qui se transformera.

Anonyme a dit…

quand je suis arrivé en Outaouais ma copine vivait à Montréal et une fin de semaine sur deux je montais à Montréal et je n'étais pas dans mes affaires, il me manquait toujours quelque chose, j'apportais des choses pour cette fin de semaine là finalement il finissait toujours par me manquer quelque chose ....... bref c'est le fait de ne pas être dans mes choses que je trouvais plus difficile que le voyagement comme tel
pour la suite de l'histoire après 5 mois l'histoire a pris fin et je suis toujours en Outaouais

Anonyme a dit…

Bibco, ce billet me touche. Les enfants à deux maisons, ces enfants en garde partagées, sont les victimes de parents qui n'ont pas voulu faire de perdants avec un divorce où l'on attribuerait la garde à un parent et les visites à l'autre. Remarquez la génération: celle des "tout le monde gagne, tout le monde est beau, tout le monde est fin". Pas de perdant. C'est de l'égoïsme de la part des parents de faire subir ça a un enfant. C'est refuser de voir le vide que laisse l'incapacité à s'identifier à un lieu, se sentir sans racines constamment.
Les enfants qui vont en "visite" un week end sur deux (le plus souvent) chez papa, ils ont eux la possibilité de dire "chez moi" en pensant à la maison où ils habitent le plus souvent. Ils ont un milieu de vie stable (en théorie).
Oui soyons généreux, mais soyons aussi réaliste. On ne peut pas tout pardonner les moindres oublis sous prétexte de déplacement de garde. Sinon on en fait une génération de "spa d'ma faute". Oh, à moins que ce ne soit déjà fait?
Je vis les deux situations à la maison, ayant un enfant en garde partagée, et mon conjoint en ayant un en "visites" week end. Je suis à même de voir la différence sur la capacité d'un enfant à s'identifier à un lieu, se sécuriser sur son appartenance, et se responsabiliser sur ses effets à transporter.
Se servir un peu de notre jugement aussi, ça aide. En janvier, le pantalon de neige oublié vaut le déplacement. Le t-shirt préféré lui, il attendra la prochaine fois. Un devoir? Possible que tu aies à le refaire, il aurait du être dans ton sac d'école.