Mon parc. Je passe tous les jours dans mon parc. Une fois, deux fois, trois fois. Je ne m'en lasse pas.
Ces temps-ci je m'y arrête, je réfléchis. J'observe. Je ne fais rien du tout.
J'oblitère tout ce qui est travail tel un végétarien chez McDonald qui se refuse à voir le Big Mac.
Cet après-midi, mes pensées ont pris une drôle de tournure.
Je me demandais ce que serait la dernière chose que je voudrais voir si on m'apprenait que je devenais aveugle.
Le visage de mes enfants? Non, inutile, il est gravé à jamais dans ma chair, dans mon coeur, dans ma mémoire. Comme celui de mes parents, de certaines personnes que j'ai aimées. Inchangés à jamais pour moi.
Non, ce que je voudrais voir, c'est la lumière. Aveugle, je pourrais toujours toucher les choses, les décortiquer par l'influx nerveux de mes doigts, mais la lumière...invisible, pour des yeux qui ne voient plus.
Je voudrais garder un souvenir qui ne se perdrait pas dans l'ombre de mes pupilles, une vision nette de la lumière de fin de journée et de celle du début.
Du crépuscule et de l'aurore. Des nuances de tous les bleus, des mauves, du violet héliotrope et de toutes les myriades de cristaux lumineux que la lumière de l'hiver arrive à créer sur la neige.
La lumière qui se reflète dans l'eau claire des étangs, sur la mer d'huile ou les lacs gelés.
La lumière qui met de l'or dans les yeux.
La lumière qui appelle. Elle nous cherche, elle ne fait que ça la lumière, nous guetter, elle pénètre en nous et c'est notre choix de la laisser nous habiter ou de l'enfouir dans les replis nombreux de notre carapace. La lumière est toujours là, patiente, infatigable, elle attend qu'on lui laisse la place, à peine en veilleuse, prête à refaire surface.
Ne plus voir la lumière certes me serait une perte énorme. C'est pourquoi, je décide, là, sur mon banc de parc que je laisserai entrer la lumière en moi, sans jamais plus la cacher.
Il me faut donc, maintenant, ici, en profiter.
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